Qu’est-ce que c’est que la Remédiation Cognitive ?
La remédiation cognitive est une thérapie psychosociale constituée d’un ensemble d’outils thérapeutiques ayant pour but de restaurer ou de compenser, par l’utilisation de technique d’apprentissage, des difficultés cognitives chez un sujet. Elle est, en psychiatrie, indispensable pour compléter l’action des traitements médicamenteux et des psychothérapies. Avec le concours d’autres thérapies psychosociales telles que la psychoéducation et les thérapies comportementales, elle permet d’accéder à plus d’autonomie et à une insertion sociale et professionnelle, ainsi qu’à la réalisation de soi, ce qui concourt au rétablissement.
Pourquoi en psychiatrie ?
Des difficultés cognitives sont présentes chez 4 patients sur 5 dans la schizophrénie, 1 patient sur 3 dans la rémission bipolaire, et dans la quasi-totalité des épisodes thymiques. Dans le cas de la psychose ces difficultés apparaissent bien avant l’éclosion des symptômes et sont Ces troubles cognitifs sont prodromiques, et très peu accessibles aux autres prises en charges. Cependant, le déficit cognitif est plus handicapant au quotidien que les symptômes neurologiques ou psychiatriques (McGurk & Mueser 2004). Des altérations cognitives causent inévitablement des difficultés pour s’organiser, pour interagir avec les autres et à fortiori pour travailler (Dubrulle & Franck 2016)
L’efficacité de la remédiation cognitive dans la schizophrénie a été prouvée, et elle est d’autant plus puissante qu’elle s’intègre dans un parcours de réhabilitation intégratif et construit avec le participant (Wykes et al. 2011).
Les fonctions cognitives
Travailler dans un parcours de réhabilitation suppose, pour pratiquer la remédiation cognitive mais aussi pour mieux comprendre et donc mieux prendre en charge les participants, de savoir ce que sont les fonctions cognitives. En voici un rapide rappel (bien entendu ces notions sont détaillées dans les formations de neurosciences et le DU de Remédiation Cognitive).
Les neurocognitions
- L’attention : capacité à se concentrer dans le temps et efficacement.
- La mémoire : capacité à retenir des informations visuelles, verbales à court terme (mémoire immédiate et mémoire de travail) et à long terme.
- Les fonctions exécutives : capacités à s’organiser (planification), à mettre en place des stratégies pour faire face à des situations inhabituelles (flexibilité), capacité à mettre de côté des informations ou actions inutiles dans le cadre d’une situation nouvelle (inhibition).
- Les fonctions visuo-spatiales : capacité à s’orienter et se repérer.
La cognition sociale
ensemble des mécanismes qui sous-tendent les interactions sociales, dont les capacités à comprendre les autres (théorie de l’esprit), à identifier les différentes émotions, à se montrer empathique et à interpréter correctement son environnement (attribution).
Le C3RP propose deux catégories de programmes, ceux concernant les neurocognitions (ou cognitions froides) et ceux concernant les cognitions sociales. Pour chaque catégorie, les programmes se déclinent en individuel ou en groupe, le groupe étant la modalité préférentielle, d’une part parce qu’il permet l’interaction sociale de manière répétée et sécurisante, d’autre part parce qu’il permet de réduire les temps d’attente et de majorer la file active. L’individuel est donc réservé aux participants présentant des difficultés attentionnelles ou organisationnelles importantes, ou tout autre écueil au maintien dans un groupe de pairs, ainsi qu’aux participants se trouvant dans l’incapacité, du fait de leurs horaires, de participer aux groupes.
Les prises en charge individuelles se font par un thérapeute, en général un.e infirmier.e. Les prises en charge de groupe sont animées par deux infirmier.e.s, un.e infirmier.e et un.e ergothérapeute, ou un.e infirmier.e et un.e psychologue.
Chacun des programmes débute par une première séance, « séance 0 », qui consiste en de la psychoéducation, à l’aide d’un programme spécifique de sensibilisation aux fonctions cognitives, programme qui a été labellisé par l’ARS en 2011.
Les programmes de remédiation cognitive dispensés au C3RP :
Ils sont accessibles uniquement pour des personnes ayant intégré un parcours de réhabilitation au C3RP, après bilan neuropsychologique.
Il s’agit de programmes portant sur les neurocognitions :
Dans ces programmes, qui prennent en charge les troubles de la cognition froide (mémoire, attention, vitesse de traitement, fonctions exécutives et visuospatiales), le participant et le(s) thérapeute(s) s’engagent ensemble à se montrer assidus sur environ 4 mois pleins, en évitant au maximum les coupures. Ces dernières ne doivent en tous les cas pas excéder 15 jours d’affilée, et sont programmées à l’avance.
En individuel :
Les programmes individuels nécessitent, pour un bon transfert au quotidien, la présence d’une personne relais bien repérée afin d’aider le participant à mettre en œuvre les tâches à domicile.
CRT (Cognitive Remediation Therapy)
CRT est un programme papier-crayon ciblant les différentes fonctions cognitives, notamment l’attention, la mémoire et la planification. La CRT dure 14 semaines (3 mois et demi environ) à raison de 2 séances d’1h avec le thérapeute et une séance d’exercices à domicile par semaine.
Pour en savoir plus : Cognitive Remediation Therapy (CRT) : un programme de remédiation cognitive pour la schizophrénie et les troubles des fonctions exécutives en pathologie mentale. EMC – Psychiatrie 20122 ;9(2) :1-9 [Article 37-820-A-60]
Circuits
CIRCuiTS est un programme de thérapie de remédiation cognitive informatisé ciblant la métacognition (en particulier l’utilisation de stratégies) en plus de travailler les compétences cognitives de base.
CIRCuiTS est disponible depuis peu en langue française, grâce à l’équipe de l’Université de Laval : CIRCuiTS, apprendre à analyser sa propre façon de réfléchir – YouTube
RECOS (Remédiation Cognitive pour la Schizophrénie ou troubles associés)
RECOS est un programme thérapeutique individuel semi-informatisé ciblant les différentes fonctions cognitives en fonction des difficultés mises en évidence dans le bilan neuro-pyschologique et le bilan fonctionnel. Il a été développé par le Dr Vianin (Ph.D. Chercheur en psychologie et psychothérapeute, Département de Psychiatrie au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois de Lausanne, Suisse) en 2011.
Ce programme dure 14 semaines à raison de 2 séances hebdomadaires d’une heure environ avec le thérapeute (une séance papier-crayon et une séance informatisée) ainsi qu’une tâche à domicile
Pour en savoir plus : P. Vianin. Le remédiation cognitive dans la psychose. Le programme Recos. Edition Mardaga, 2011.
En groupe :
Les programmes groupaux sont actuellement privilégiés dans les propositions thérapeutiques puisqu’ils favorisent un contact social qui participe à enrichir les stratégies cognitives de chacun, par mise en commun de l’expérience de chacun.
NEAR (Neuropsychological Educational Approach to Remediation)
NEAR est un programme de groupe (8 participants) semi-informatisé et semi-individualisé permettant de cibler les difficultés neurocognitives de chaque participant au travers d’exercices personnalisés et d’aborder des thématiques variées communes au groupe. Les interactions dans le groupe sont largement encouragées, l’atmosphère souhaitée est détendue et bienveillante. Les sessions d’apprentissage, centrées sur la motivation, allient exercices cognitifs et thérapie cognitivo-comportementale en groupe.
Ce programme, qui s’inspire de la méthode Montessori, a été développé par le Dr Alice Medalia (Ph.D. Professeur de Psychiatrie et directrice du service de réhabilitation psychiatrique à l’Université de Columbia, Etats-Unis).
NEAR dure 31 séances à raison de deux séances hebdomadaires d’1h30 (soit environ 4 mois).
Pour en savoir plus : Medalia, A. & Freilich, B. (2008). The Neuropsychological Educational Approach to Cognitive Remediation (NEAR). Model : Practice Principles and Outcome. American Journal of Psychiatric Rehabilitation, 11(2), 123-143.
NEAR-TSA :
Il s’agit du programme NEAR, adapté aux personnes avec trouble du spectre de l’autisme sans déficience intellectuelle.
Ce programme est actuellement en cours de validation, dans le cadre d’un protocole de recherche en collaboration avec Dr MEDALIA à New-York et Dr BOUDEN à Tunis. Il est donc pour le moment uniquement dispensé au C3RP, sur indications spécifiques dans le cadre d’un parcours de réhabilitation psycho-sociale.
Et de programmes portant sur les cognitions sociales :
La cognition sociale regroupe l’ensemble des composantes qui nous permettent de comprendre les autres et d’interagir avec les gens qui nous entourent. C’est la « capacité à construire des représentations sur les relations entre soi-même et les autres et à utiliser ces représentations de manière flexible pour ajuster et guider son propre comportement social » (Besche-Richard, 2006)
Les programmes de cognition sociale permettent de travailler, soit de manière globale tous les aspects qui sous-tendent les interactions sociales, soit de manière spécifique un aspect qui serait déficitaire de manière isolée. Ils sont proposés si, au bilan neuropsychologique des cognitions sociales (batterie ClaCos), apparaissent des déficits suffisamment profonds pour impacter le fonctionnement quotidien.
Un programme de cognition sociale peut être proposé après un programme neurocognitif, si l’évaluation et l’observation pendant le premier programme en montrent la nécessité.
Ils revêtent une importance capitale dans le parcours de réhabilitation, bien que leur valorisation ne soit que très récente par rapport à la remédiation neurocognitive. En effet, même améliorés sur le plan neurocognitif, les personnes avec difficultés de cognition sociale gardent d’importantes difficultés à s’intégrer en société et, à fortiori, dans un environnement professionnel.
En individuel :
RC2S (Remédiation Cognitive de la Cognition Sociale) :
Programme thérapeutique individuel, manuel et informatisé entrant dans le champ des interventions globales, c’est-à-dire tenant compte de l’ensemble des composantes de la cognition sociale. La prise en charge est toutefois modulable en fonction des difficultés mises en évidence dans le bilan et des objectifs concrets du participant. Le programme RC2S+ (Peyroux & Franck, 2014) a été développé dans le cadre d’une collaboration entre le Service Universitaire de Réhabilitation (SUR/CL3R) du centre hospitalier Le Vinatier à Lyon (Pr. N. Franck et E. Peyroux) et l’entreprise Scientific Brain Training (SBT) à Villeurbanne (F. Tarpin-Bernard). Il est produit par HappyNeuron (www.happyneuronpro.com )
Il dure 12 semaines, à raison de trois séances d’1h par semaine : deux séances avec le thérapeute et une séance à domicile.
Pour en savoir plus : Peyroux E, Franck N. Is social cognitive training efficient in autism ? A pilot single-case study using the RC2S+ program. Neurocase ; 2019 (Sep 15):1-8.
Gaïa :
Le programme GAÏA (entrainement de la reconnaissance des émotions faciales) est un programme créé par Baptiste GAUDELUS, infirmier au CL3R (Centre Référent Lyonnais en Réhabilitation et en Remédiation Cognitive Centre hospitalier le Vinatier LYON), et entrant dans le champ des interventions ciblées, c’est-à-dire spécifiques à une composante particulière des cognitions sociales. Il s’agit en effet d’une thérapie individuelle de remédiation cognitive du traitement des émotions faciales « écologique », plaçant la personne au plus près de situations réelles pour favoriser le transfert des bénéfices à la vie quotidienne.
Il consiste en 30 séances d’1h à raison de deux séances par semaine en présence du thérapeute et d’une séance de transfert (exercices à réaliser en dehors de la présence du thérapeute), soit 10 semaines de prise en charge au total.
Pour en savoir plus : Gaudelus B, Virgile J, Geliot S; GAÏA/RECOS Study Team, Franck N. Improving Facial Emotion Recognition in Schizophrenia: a Controlled Study Comparing Specific and Attentional Focused Cognitive Remediation. Front Psychiatry. 2016 Jun 21;7:10 5. doi: 10.3389/fpsyt.2016.00105. eCollection 2016
En groupe :
La modalité groupale est particulièrement utile dans la remédiation des cognitions sociales, puisqu’elle permet à elle seule de travailler les interactions sociales et tous les processus qui les sous-tendent.
Elle est donc à favoriser au maximum !
SCIT (Social Cognition Interactions Training) :
La méthode SCIT, de Roberts D., Penn D. et Combs D. (2006) a été traduite et est en cours de validation en France via Alexandra KOUBICHKINE (CH Le Vinatier Lyon). Il s’agit d’un programme d’entraînement groupal entrant dans le champ des interventions globales, c’est-à-dire touchant à la globalité des domaines de cognition sociale, chez des personnes ayant un profil de théorie de l’esprit dite « en excès ».
SCIT dure 20 séances d’1h30 environ, à raison d’une fois par semaine, ainsi qu’une tâche à domicile par semaine seul et avec un « practice partner » (ou partenaire d’entraînement), qui a pour fonction de relayer les apprentissages en situations du quotidien et qui est contacté par les thérapeutes à intervalles réguliers durant le programme.
Pour en savoir plus : Roberts DL, Combs DR, Willoughby M, Mintz J, Gibson C, Rupp B, Penn DL. A randomized, controlled trial of Social Cognition and Interaction Training (SCIT) for outpatients with schizophrenia spectrum disorders. Br J Clin Psychol. 2014 Sep;53(3):281-98. doi: 10.1111/bjc.12044. Epub 2014 Jan 13
SCEILess :
SCEILess est un programme de cognitions sociales et d’habiletés sociales en groupe, destiné aux personnes présentant un déficit des capacités en théorie de l’esprit. Ce programme est une création des membres du C3RP et est actuellement en cours de validation.
Il est proposé aux personnes ayant intégré un parcours de réhabilitation psycho-sociale au C3RP et pour lesquelles l’indication précise d’un tel programme a été posée suite à un bilan neuropsychologique complet.